Voici l’histoire d’un message délivré par les dauphins

Sophie :
Après une errance dans l’infiniment vide du bleu profond de l’océan, nous nous dirigions vers le port. Soudain, dans le coucher du soleil, des dauphins rarement observés aux Açores nous apparurent. Cris de joie débordant d’enthousiasme de l’équipage comme des passagers. Les dauphins entamèrent un jeu de cache-cache bienveillant avec le bateau. Ils apparaissaient, croisaient la route du bateau, disparaissaient, faisaient du spy-hopping au loin, se rapprochaient, et réapparaissaient à nos côtés, avant de disparaître à nouveau. Fernanda dit : « dauphins rissos », mais Sophie objecta et dit que c’était des grands dauphins. Intriguée par ces hybrides, Sophie enfila masque et tuba, accompagnée par Kiki. Elle se coula dans l’eau vers ses dauphins. Elle vit l’un d’eux, portant sur sa dorsale un sac en plastique. Un autre l’attendait à proximité sur sa gauche, et un peu plus loin sur sa droite un troisième l’observait. Elle remonta sur le bateau transportée de joie, mais précisa : « il avait un sac plastique sur sa dorsale » .

Stéphanie :
Je me suis glissée dans l’eau. J’ai aperçus deux dauphins, mais ils commençaient à partir. Je me suis alors rendu compte de la présence d’un sac plastique blanc fluo. Le sac plastique jurait particulièrement avec la beauté des eaux bleues des Açores. J’ai décidé de ne pas les suivre. Ils étaient loin de moi, ils partaient dans une autre direction. J’avais le choix entre essayer de les suivre et partir chercher le sac plastique. J’ai décidé d’aller le chercher pour le remonter sur le bateau. Je me suis dit que c’était celui qui était sur sa dorsale, car je n’avais pas vu de sac plastique sur eux lorsqu’ils s’éloignaient.

Anika :
Alors que Stéphanie était dans l’eau, du bateau, on a vu un dauphin approcher avec le sac plastique. Il est venu nous le présenter, nous l’apporter, et il le laissa à proximité du bateau. Stéphanie remonta des profondeurs avec un sac plastique à la main. Le message était clair…

J’ai plongé. J’ai vu le dauphin libéré de son déchet. Ils étaient deux, et vinrent nous observer de très près. Pascal et moi, regards entremêlés avec deux dauphins, qui nous observaient fixement. Ils sont partis lentement, et nous avons eu la joie de nager à leur côté pendant un moment bref mais intense. Après cette danse, ils descendirent dans les profondeurs.
Hors de l’eau, sur le bateau, dans la lumière du soleil couchant, un moment d’éternité.

Irina :
Je me suis glissée dans l’eau à la suite d’Anika et Pascal, lors de l’apparition suivante des dauphins.
J’avais peur. Peur de plonger pour nager avec les dauphins. J’avais peur de ne pas connaître ce que d’autres membres du groupe avait déjà vu, mais j’avais également — et surtout — peur de ce que cette nage avec les dauphins pourrait m’apporter, peur de ce que je devrais affronter.
Puis je me suis mise à l’eau, sans réfléchir.
J’ai vu le dauphin. Il était grand, robuste, majestueux.
Il partait. Mais il était si proche qu’il était pour moi presque de profil. Un calme profond m’envahit. La Sérénité.
Plus rien ne comptait, et j’avais la tête vide. C’est un instant hors du temps, durant lequel on s’aperçoit que tout est possible, que nos rêves les plus fous sont réalisables. On y croit parce que l’Amour que nous transmet cet être extraordinaire nous emplit nous-mêmes d’Amour. Un Amour que rien ne saura jamais ternir et que je garde en moi comme le cadeau précieux d’un ami sincère.
Le dauphin partait lentement. Je n’osai le suivre, et n’y pensai à vrai dire même pas ; il m’avait offert quelque chose de trop beau déjà, pour que j’ose — et que je veuille — en redemander.
Il s’est dirigé vers deux objets blancs qui voguaient avec les courants, et j’ai alors compris, en repensant au sac plastique qu’avait repêché Stéphanie, que c’en était d’autres. Il se prit le museau dans l’un d’eux, et s’en alla.
Je me tournai sur ma gauche. Deux autres dauphins étaient là, si près que j’avais l’impression de pouvoir les toucher du bout des doigts. Je ne bougeai pas, et les observai avec admiration. L’un deux — le plus proche — leva les yeux vers moi. Et pendant 20 secondes — ou plus, ou moins — le monde bascula. J’en oubliai jusqu’à moi ; plus rien n’était, en dehors de cet œil magnifique, de ce regard limpide, et de cette volonté de communiquer que je sentais mieux que j’aurais senti une pression tactile.
C’est un regard aussi indescriptible et bouleversant qu’inoubliable.
Puis il a tourné la tête ; doucement, comme pour me signifier qu’il ne rompait pas notre échange, bien au contraire. Il s’est lentement dirigé vers le sac plastique qui restait, comme suspendu entre les flots.
Se frottant contre, le dauphin me le désignait. Comme pour dire « débarrassez-nous de ces cochonneries ».
Son compagnon le suivit, et tous deux ont lentement disparu dans le bleu des océans, me laissant une marque indélébile, et un message à transmettre.