J’avais rendez-vous avec des dauphins. J’ai vu des baleines. Majestueuses.

L’aventure commence le vendredi 12 août 2016 dans l’avion qui m’emmène de Genève à Lisbonne.

Laisser derrière soi les soucis du quotidien et le rythme professionnel trop soutenu me donne envie de m’abandonner aux surprises qui m’attendent.

Premier changement, la chaleur étouffante de la métropole portugaise. Véra, ma future colocataire,  arrive peu de temps après moi, à la récupération des bagages. Elle vient d’Orly. Indépendance et contemplation sont nos mots d’ordres déjà évoqués lors de notre première prise de contact à Lausanne, quelques semaines auparavant. La suite se déroule avec naturel. Installation dans la chambre à l’hôtel de l’aéroport, balade dans Lisbonne jusque sur les quais. Rafraîchissement dans la piscine de l’hôtel jusqu’à la tombée du jour, souper sur place… et lever très tôt.

 

Samedi 13 août : Notre avion décolle à 8h00 pour Pico. Dans le hall d’embarquement, je me demande déjà qui seront nos compagnons « dauphins ». Mais la réflexion ne s’éternise pas. Les passagers font déjà la file pour le contrôle des passeports quand j’arrive. Vera est restée en arrière, pour fumer une dernière cigarette avant de monter dans l’avion.

Nous nous retrouvons tous à Pico autour de notre première conductrice de taxi. Une grande famille : Delphine, David et les quatre ados Julian, Laureen, Héloïse et Ambre. Une autre famille : Karina, Nicolas, Julia et leur petite de huit mois, Emilia. Quatre amis Francs-comtois : Pascale, Coralie, Virginie et Anthony. Ce dernier cherche encore un bagage qui n’est pas arrivé. Jean-Christian, qui vient de la région d’Avignon, Véra et moi complétons ce groupe. Deux taxis nous emmènent à l’hôtel Aldeira da Fonte. Sophie nous accueille avec chaleur et douceur. Gênée par une douleur au dos, elle bénéficie des connaissances en acuponcture de Jean-Christian, pendant que nous prenons possession de nos chambres. Baignade et repos nous conduisent à la fin de l’après-midi où nous nous retrouvons, dans un endroit calme du jardin pour une présentation de chacun. Sophie nous annonce que sa mère est à l’hôpital, gravement malade. Je sens son inquiétude, ce dilemme de ne pas être près de sa mère, alors qu’elle aimerait partager ce séjour avec nous. Plusieurs d’entre nous expriment la même solidarité pour notre guide. L’envie d’approcher les dauphins nous réunis déjà. S’il le faut, nous saurons nous organiser. Mais j’espère quand même que tout se déroulera comme prévu.

 

La nuit venue, je tends l’oreille. Où sont les puffins ? Leurs cris si désopilants ne me parviennent pas. Je m’endors avec nostalgie, un peu d’angoisse aussi. Après un cauchemar et plusieurs réveils nocturnes dus surtout au décalage horaire, je me repose un peu.

 

Dimanche 14 août : Après le petit déjeuner, nous avons rendez-vous pour une présentation sur les dauphins. Je monte dans le salon-conférence, à l’étage. Il n’y a personne, alors que Sophie devrait installer l’ordinateur et le projecteur. Je la croise en bas. Sa tristesse me tord les tripes. Avant qu’elle me le confirme, je comprends. Elle doit partir. Deux jours de voyage. Elle espère que sa mère tiendra jusqu’à son arrivée. Je la serre dans mes bras, la conforte dans son choix. Inévitable.

Le groupe se réunit face à l’océan. Chacun trouve les bons mots. Nous saurons gérer notre séjour nous-mêmes. Sophie confie les clés du bus à Anthony et David. Delphine prend le téléphone, utile pour les réservations du bateau et des restaurants. Elle sait bien parler anglais. Six d’entre nous proposent des activités annexes à nos sorties en mer. Sophie peut partir tranquille. Ce ne sera pas pareil, mais on passera un bonne semaine quand même.

Une heure plus tard, nous nous installons dans le salon. David projette le diaporama sur les dauphins. Delphine et moi le commentons, puisque toutes les deux sommes déjà venues en 2015.

Le repas de midi, pris à l’hôtel, s’éternise jusqu’à 15h20. Le service est très lent.

Une partie d’entre nous va se baigner dans l’océan agité, et y voit des poissons très colorés.

 

A 17h30, première sortie. Nous nous répartissons sur deux bateaux. Deux groupes qui ne changeront pas durant tout le séjour. La grande famille de Delphine et David « m’invite » sur leur bateau, le « Little Boy ». Les autres montent sur le « Océanus ». A peine sortis du port, le skipper Michael, accélère. Le bateau tape sur les vagues. Le galop d’un cheval serait plus confortable. Quand la proue se lève, les filles, installées à l’avant poussent un cri. Après une heure de navigation sportive, nous apercevons au loin le jet d’une baleine. Il s’agit d’un rorqual commun (20 mètres pour 70 tonnes). L’aide-skipper Benni, nous montre une image et nous explique qu’il devrait être parti vers le nord déjà depuis juin. Il prend la peine de nous donner beaucoup d’informations sur les cétacés, sur l’île et même sur les puffins qu’il imite à merveille. Il parle surtout en anglais, parfois en français, alors que sa langue maternelle est l’allemand. Nous suivons la baleine un moment, ne voyons que son évent, puis un peu de son dos. Quand on aperçoit sa nageoire dorsale, très petite pour sa taille, c’est qu’elle va plonger. Elle ne montre pas sa queue comme le cachalot ou d’autres cétacés.

Nous rentrons mouillés et un peu transis.  Le soir, nous ne bénéficions pas d’un deuxième taxi (celui de l’hôtel),  donc nous devons rentrer en deux voyages. L’attente contribue à augmenter la sensation de froid. Une bonne douche chaude arrange tout ça, puis le repas, de nuit sur la terrasse du restaurant, sous la forme d’un buffet varié. Nous échangeons nos expériences. Le groupe de l’Océanus a vu des dauphins communs avec lesquels ils ont essayé de plonger. Mais ceux-ci ont très vite filé. Ils ont aussi croisé un requin-marteau, dont la présence est aussi insolite à cette époque que notre rorqual. Coralie confirme que l’eau est envahie de méduses violettes.

 

Lundi 15 août : Lever avant le jour. Ciel couvert. Vagues grises. Départ à 9h. Nous échangeons les bateaux, mais restons les mêmes groupes. Notre sortie avoisine les plaisirs du Luna-Park. Montagnes russes garanties non-stop ! Nous cherchons… quelque chose ! Maigre résultat : de toute la matinée, nous apercevons une tortue, qui flotte, indifférente à notre présence. Faute de mieux, l’autre bateau nous rejoint. On se fait des signes. Observons la placide tortue, puis nous séparons. Nous aurions mieux fait de suivre le Little Boy, car ils ont vus ensuite des dauphins bleu et blanc, dont un bébé très leste. Malgré que nous n’ayons pas été à l’eau, nous sommes mouillés. Le vent rabattait les vagues dans le bateau. Désagrément plus marqué sur l’Océanus, conduit par Rui. Nous profitons des jets d’eau douce sur le ponton pour nous rincer. Une table est réservée au restaurant du port. Le service, en français, est rapide. La carte est simple, les plats bien préparés. Un peu de shopping dans les quelques boutiques du village, puis arrêt au supermarché. Ingrédient obligatoire : acheter de l’eau ! A 18h, certains d’entre nous se retrouvent à la salle zen pour une initiation au yoga proposée par Delphine, puis le « Body-Check », forme de relaxation en conscience proposée par David. Après une heure de détente, place au plaisir gustatif : l’apéro, sur l’esplanade, face à l’océan. David nous fait découvrir une liqueur de lait et des fruits secs des Açores. Nous profitons de la présence de tous pour établir un projet de programme : quoi et quand. Pendant le repas, Sophie nous téléphone. Elle est allée directement à l’hôpital depuis l’aéroport. Elle en saura plus demain sur la santé de sa mère. Car aujourd’hui, jour férié, les médecins qui la suivent sont absents. La soirée se prolonge avec Delphine, David, Julian et Véra. Echanges, confiance qui s’installe, moments chaleureux où le plus jeune donne aussi son avis.

 

Mardi 16 août : Ciel bleu. Température agréable. Je prends mon petit déjeuner avec Karina, nutritionniste, et Julia, 8 ans, qui prépare une conférence sur les cétacés pour l’école. Dans la matinée, elles viennent voir mes livres « Wolfo », dont le quatrième tome, en préparation, montrera un dauphin sauvé de la captivité. Avant le repas de midi, nous entamons une marche méditative qui nous conduit au milieu des rochers, là où nous pouvons descendre dans l’océan pour se baigner. Karina, avec Emilia dans la poussette ne peut pas nous suivre. Julia, intrépide, aime la grimpe. Ambre trouve un crabe. Les autres entrent dans leur monde intérieur. David a emmené Laureen chez le médecin, le propriétaire de notre hôtel. Il diagnostique une otite.

L’après-midi, je nage au milieu des vagues de l’océan. D’après les échelons, leur hauteur varie d’au moins un mètre. J’aperçois les beaux poissons scintillants qui cherchent à manger sur les rochers de la petite crique. Puis je continue à la piscine, plus calme pour la natation. Julia joue au requin avec son papa, Nicolas. Les francs-comtois lisent, face à l’océan. Dans la crique, Véra et Delphine s’aventurent vers le large, captivées par les fonds. Nous sortons avec les bateaux en fin d’après-midi. La mer, bleue foncée, est plus calme que la veille. Nous visons le large. Y trouvons une famille de dauphins tachetés, très joueurs et certainement jeunes. Leur taille n’excède pas la nôtre : Plutôt 1,50 mètre. Ils commencent par passer à côté de nous, puis deviennent plus confiants. David et Delphine sortent en premier. Un des cétacés revient vers eux et les frôle. Après cette première plongée, Ambre et Julian descendent du bateau. Ils se tiennent par la main. Les dauphins nagent autour d’eux. Deux curieux restent proches. L’un vient si près qu’il lui touche la joue du rostre. On dirait une marque d’affection. Julian le caresse au passage. Ce qui aurait pu le faire fuir, mais le coquin en redemande. Il fait le tour des deux ados et revient embrasser Julian. Au passage, il touche le bras d’Ambre (qui n’ose pas trop réagir) et saute entre les jambes de Julian. J’aperçois la nageoire caudale de cet intrépide dauphin. Et le garçon a droit à un troisième bisou ! Sur le bateau, nous sommes tous ébahis et émus. Même Leila, notre aide-skipper, nous affirme qu’elle n’a jamais vu autant de familiarité. Ensuite, je descends avec Héloïse. J’ai aperçu plusieurs adultes passer sous mes palmes. Ayant assez joué, nos compagnons marins sont partis. La seule qui n‘en ait pas profité est Laureen. Les méduses  l’inquiétaient plus que l’attitude magique des dauphins tachetés.

Au retour, nous avons croisé deux dauphins de Risso, beaucoup plus calmes. Un court instant a apparu la tête d’une tortue. Le bateau s’est arrêté dans une large crique tranquille.

Comme rien ne se profile, Rui le skipper nous propose d’aller tous à l’eau et profiter de nager ensemble. Il pense qu’ainsi Laureen sera plus rassurée et en effet, elle vient à l’eau avec nous. Ce sera la seule fois où nous pourrons tous être autour du bateau. Avec les cétacés, la loi de l’île nous restreint à ne nager que par deux, ou même pas du tout selon les espèces. Nous rentrons au port à vitesse maximale et grisante !

Le deuxième bateau a du retard. Nous admirons le coucher de soleil derrière le volcan. En face, au dessus des collines, la lune pleine se lève. Sur nos combis mouillées, l’air se rafraîchit. Nos peaux aussi.

Ce soir, un buffet chinois nous attend. Je n’entends toujours pas les puffins.

Avant qu’il ne soit trop tard, compte tenu du décalage de deux heures, j’appelle mon mari pour lui souhaiter une bonne nuit. La mienne est meilleure que les précédentes. Mon sommeil a besoin d’adaptation.

 

Mercredi 17 août : Sortie du matin (9h-12h). Direction le large à bord du Little Boy et l’équipe sympathique Michael-Benni. Nous rencontrons un groupe de dauphins bleu et blancs très sautillants, mais peu intéressés à jouer avec nous. Ils ne s’attardent pas. Nous revenons vers l’île de Pico, prenons la direction de l’île Saint-Georges. A mi-chemin entre le port de Lajes do Pico où nous embarquons et la pointe de l’île se trouve une crique où l’on rencontre fréquemment et en permanence les dauphins de Risso. Cette fois nous en voyons une quinzaine, dont la moitié se montre en surface tandis que l’autre évolue en-dessous. Trois bateaux se sont approchés. Les deux nôtres d’Aqua Açores, et un d’EspacoThalassa.

Comme deux compagnies sont présentes, nous ne pouvons pas descendre dans l’eau. Question de concurrence… Donc nous les observons sagement durant une bonne heure. Il semble que rien de mieux ne se profile à l’horizon. Sur le trajet du retour, nous apercevons le fameux requin-marteau, enfin son aileron, de loin durant quelques secondes. Nous avons longé les côtes à courte distance. Rochers imposants, coiffés de végétation verdoyante. Benni nous explique que le grand rocher qui nous accueille avant l’entrée dans le port est une cheminée volcanique. Elle est apparue trois cents ans avant que l’île n’apparaisse.

Nous dînons au restaurant du port, puis traînons un peu dans le village, où certains complètent leurs achats. Il pleut. Au retour, Héloïse, Ambre et Laureen viennent voir mes bandes dessinées dans notre chambre. Nous discutons de dessin et d’animaux. Avant le repas, Jean-Christian nous apprend quels sont les principes de l’acuponcture et les points importants à connaître pour notamment atténuer des douleurs. Il indique aussi quelles huiles essentielles peuvent y être associées. Ensuite, nous partageons l’apéro sur la terrasse de la chambre de Pascale et Coralie, avant le toujours fameux souper-buffet.

 

Jeudi 18 août : La pluie battante de cette nuit continue au lever du jour. S’y ajoute les cris d’Emilia qui a mangé du chocolat la veille et peine à le digérer. Son sommeil est perturbé, et bien sûr celui de ses parents. Cette sympathique famille habite en-dessus de notre chambre. Je file prendre mon petit déjeuner entre deux averses. Les gouttes qui tombent des feuilles de la tonnelle me laissent pensive. Je voulais aller nager ce matin. Ce temps gris me donne l’impression que tout se fige. Vers 11h, le temps s’arrange. Véra et moi arrivons à la salle zen où attendent déjà David et Delphine. Jean-Christian nous avait proposé un moment de méditation. Il est passé juste avant nous, n’a vu personne et est reparti. Nous avons profité de cette attente pour se promener dans les environs et avons découvert un joli kiosque zen, au bout d’un escalier composés de pneus empilés.

Le soleil chauffe déjà. Mon envie de nager émerge. L’idée convient aussi à Véra. Malgré la pluie récente, l’eau de l’océan est à peine refroidie. Je m’attarde dans la crique, tandis que mon amie préfère des explorations plus lointaines. Les poissons sont magnifiques. Des bruns et plats qui se révèlent à mes yeux quand ils s’éloignent des rochers. Des plus grands rouge et brun, déjà baptisés Némo le premier jour ! Des petits verts fluo, des autres noirs aux nageoires violettes. J’appelle cet endroit « l’aquarium naturel » ! Notre baignade dans ces eaux bleues et agitée remplace le repas de midi. Aujourd’hui, nous partons en mer à 14h. Vu la lenteur du service de l’hôtel, je me contente d’une collation légère, puis je vais boire le café au restaurant. Ceux qui ont commandé un plat à midi le reçoivent à 12h50 et l’avalent en un quart d’heure…

Nous repartons vers le large. Dès que le bateau prend de la vitesse, la combi nous protège de l’air frais. En plus, la compagnie Aqua Açores prête une veste coupe-vent à ceux qui le demandent. Je l’apprécie aussi contre les vagues soufflées. Aujourd’hui : festival des baleines ! La première est une baleine à bosses. Quand elle plonge, elle nous montre sa queue immense (aussi longue que le bateau, noire dessus et blanche dessous).

Plus loin, nage un rorqual commun, que nous observons aussi à deux bateaux. Nous nous séparons. L’autre groupe nage avec les tortues tandis que nous rencontrons un cachalot que nous suivons durant de longues minutes. Quand il semble avoir plongé profondément nous revenons vers l’île dire « bonjour » aux dauphins de Risso, dans leur crique préférée. Cinq ou six individus nagent en alternance de deux ou trois en surface. Delphine et Julian se mettent à l’eau alors qu’ils sont à environ vingt mètres de distance. Je les vois nager rapidement vers eux. Au retour, j’apprends qu’ils les ont bien vus. C’est tentant. A l’ordre de Rui, je descends avec David, mais le bateau avance encore. De l’eau s’infiltre dans mon masque. Impossible de respirer ainsi. David fonce. Il en voit un qui plonge. Les filles ont froid et renoncent à se mouiller. Nous le seront de toute façon, car au retour, notre « Océanus » rentre à pleine vitesse. Les vagues qu’il forme se déversent à grand flot sur le bateau. Les filles cachent leur visage sous leur veste tant la douche est forte. Dans la précipitation du départ, je n’ai pas fermé le sac étanche qui contient mon appareil de photo. Ce sera son dernier voyage…

Enfin, ce soir, nous entendons les puffins. Cris modulés et amusants.

 

 

Vendredi 19 août : Quand je me réveille, il fait encore nuit. Les puffins sont en pleine activité et s’appellent. Mais j’entends aussi la voix forte des Allemandes de la chambre à côté, puis le roulement de leur valise sur les pavés. Nous allons passer notre dernier jour à Pico. Je ne me sens pas aussi sereine que l’année passée. Où sont les ressources que je suis venue chercher ? Pourtant dans ma tête, de belles images s’ajoutent aux souvenirs de mon premier voyage ici. Mais au cours de mes deux uniques plongées, je n’ai vu que quatre dauphins tachetés, ensemble, pendant quelques courtes secondes. Puis je me rappelle le cadeau énorme qu’on reçu Ambre et Julian. J’ai eu un grand privilège d’y assister depuis le bateau. D’après la taille du dauphin téméraire, je suppose qu’il s’agit d’un jeune, intrigué par ces deux « enfants » d’une autre espèce.

Ce matin, nous partons avec le Little Boy, conduit par Michael et Benni. L’air est plus frais. La veste prêtée enfilée sur ma combi est très utile. Nous naviguons une bonne heure, puis rejoignons l’Océanus qui a repéré notre rorqual commun déjà vu lors de notre première sortie. Comme un bonjour, il nous adresse aujourd’hui un au revoir. Il plonge plusieurs fois et réapparaît. Nous fonçons vers le port de Pico, où semble-t-il la baleine à bosses nous offre le même spectacle. Benni nous confirme qu’il s’agit de la même que la veille. Quand elle plonge, l’empreinte de sa queue laisse une marque lisse sur la surface de l’eau. J’estime son envergure à bien quatre mètres de large. L’Océanus nous rejoint. Puis nous rentrons en faisant la course, croisant le sillage de l’autre, moteurs à fond. Une palette de sensations offertes par les skippers, eux aussi en guise d’adieu ?

 

Nous mangeons pour la dernière fois au restaurant du port, en compagnie de Benni. Il pense rester aux Açores jusqu’en octobre, puis ira probablement au Canada. Il partage avec nous de belles expériences.

L’après-midi, pour compenser cette dernière sortie où nous avons dû rester sur le bateau, je retourne nager dans la crique de l’hôtel. Les poissons colorés sont plus nombreux que les autres fois. Je reste vers eux, étrange poisson affublé d’un masque et d’un tuba pour les observer sans lever la tête. Anthony les a filmés. Avec Pascale, Coralie et Virginie, ils utilisent leur monopalme, malgré la difficulté d’accéder à l’eau par quatre ou cinq échelons métalliques.

La suite de nos activités communes se prolonge à la piscine où chacun peut essayer une monopalme. Le mouvement de nage s’apparente à celui de la nageoire caudale du dauphin, ou à l’ondulation des hanches de bas en haut des sirènes ! C’est très gracieux et efficace, à condition d’avoir une musculature bien entrainée. En fin d’après-midi, Karina nous initie aux bienfaits de la Gestalt : Observation de l’autre à but thérapeutique. Les questions que l’observateur pose à l’observé l’aide à trouver lui-même des solutions pour se sentir mieux. La base d’un bon résultat : neutralité et confiance. Suite à cet atelier, nous nous retrouvons autour d’un verre sur la terrasse, où chacun (sauf Jean-Christian) exprime ce que ce stage lui a apporté ou ce qu’il ou elle a ressenti. Impression générale : peu de dauphins, des baleines « surprise » et une ambiance de groupe très positive.

 

Au repas du soir nous célébrons les quinze ans de Julian. Le gâteau d’anniversaire ressemble à une mer ronde, très bleue, où nagent trois dauphins, des algues et des étoiles rouges sur les côtés ! Il reçoit des cadeaux et une carte que nous avons tous signé. Même les puffins s’en mêlent. Cette fois, on les entend bien. J’en vois un passer, alors qu’autant ils peuvent être bruyants, autant ils savent se cacher. Leur cri varié, apparenté aux vagissements d’un bébé ou au cri aigu d’un singe, est très rigolo. Les trois filles reviennent vers nous en riant, puis repartent dans le jardin pour mieux les entendre.

Je profite du calme de l’après-repas pour discuter avec Jean-Christian. Nous parlons nourriture du corps et de l’esprit, des énergies, puis de son impression sur son séjour. Cet endroit paisible et magnifique lui a plu comme à nous tous. Il regrette aussi de ne pas avoir vu plus de dauphins. Leila nous a appris que le courant du Golfstream est influencé par celui d’El Nino une fois tous les quatre ans. Cela explique l’air plus froid qui retient les baleines aux Açores et éloigne les dauphins vers des eaux plus chaudes.

 

Samedi 20 août : Et voilà, il est temps de quitter Pico… Dans le taxi qui nous emmène à l’aéroport, je suis habitée d’un sentiment gris. Mitigée. Envie de rester, de rentrer. Dans l’avion, nous sommes tous groupés à l’arrière de l’avion. A Lisbonne, nous cherchons une grande table, pour passer une dernière heure ensemble. Petite collation, sucrée pour la plus part. Le vol pour Paris approche. David et ses enfants, qui passent la nuit à Lisbonne, partent aussi, ainsi que la famille « Karina, Julia, Nicolas et Emilia » qui veulent se promener en ville. Les Francs-comtois partent de leur côté. Je reste seule. Cinq heures d’attente à meubler… Une petite sieste rafraîchit mon esprit attristé par tous ces adieux. L’imagination revient. Je reprends mon petit carnet de scénario, continue cette histoire avec un regain d’imagination salutaire. Le moral remonte en flèche. Je retrouve les huit compagnons de voyage pour Genève à la porte d’embarquement. Dans l’avion, nous sommes de nouveau proche les uns des autres. La séparation devient moins brutale.

Ce n’est que dans le train de Genève à Lausanne que je réalise la richesse de la semaine qui vient de passer. Je rentre chez moi avec un net souvenir des baleines, dont la rencontre était improbable. Je comprends aussi ce que je suis venue chercher : un message de tempérance. Force et tranquillité. Merci les baleines !

Les liens qui se sont tissés entre les membres du groupe, venus de régions françaises opposées, les rencontres fascinantes que nous avons partagées, les expériences sous forme de petits ateliers que nous avons échangées, les rires et les images (photos de David et Véra ou dessins d’Héloïse, Laureen et Julia). Il me tarde de découvrir celles des autres. Même si Sophie n’a pas pu partager tout cela avec nous, c’est grâce à elle que nous avons été réunis. J’ai envie de lui écrire. Je tape sur les touches de mon smartphone. Je suis sereine et reconnaissante.

 

Carine Racine, 21 août 2016, 01h01